Une école de conduite de Chaudière-Appalaches dit avoir une solution pour réduire l’absentéisme des jeunes à l’école tout en améliorant le bilan de conducteurs expérimentés.
Cependant, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) refuse qu’un projet-pilote soit mis sur pied pour tester cette possibilité.
En raison notamment de la pénurie de main-d’œuvre qui frappe aussi les écoles de conduite, il y a de moins en moins de moniteurs pour des leçons de conduite en soirée. Résultat: les élèves du secondaire qui suivent leur cours de conduite doivent s’absenter de leurs cours pour prendre une leçon de conduite.
Dans ce contexte, Vachon École de conduite supérieure, qui est établie à Lévis et en Beauce, propose de confier une partie des leçons de conduite à des parents accompagnateurs certifiés.
«L’accompagnateur certifié doit être une personne directement liée à l’apprenti conducteur par l’autorité parentale, comme le père, la mère, le beau-père, la belle-mère ou le tuteur légal», explique Lise Champagne, directrice générale de Vachon École de conduite supérieure.
En plus de contrer l’absentéisme des jeunes, cette proposition avait comme objectif d’alléger le fardeau des formateurs de l’école de conduite. Mais aussi de remettre à jour les connaissances et les aptitudes de conduite des parents.
«L’implication qu’on souhaite avoir, c’est aussi de pouvoir rééduquer les parents.»
— Samuel Vachon, directeur adjoint de Vachon École de conduite supérieure
«On entend souvent dire: “Ça fait 20 ans que je n’ai pas subi de tests ou que je ne me suis pas remis à jour…” Ce processus permettrait de remettre à jour plusieurs personnes. Et beaucoup n’ont jamais suivi un cours de conduite», lance M. Vachon.
Le cursus demeure le même
La proposition de l’école de conduite ne changerait en rien l’actuel cursus et le temps requis pour le faire. Les modules d’apprentissage théoriques demeureraient les mêmes qu’actuellement.
Le rôle d’accompagnateur se ferait sur une base volontaire. Mais les dirigeants de Vachon reconnaissent que certains parents ne pourraient simplement pas se qualifier.
«Un parent qui a 12 ou 13 points d’inaptitude dans son dossier, il ne serait pas un bon exemple pour son jeune», abonde dans ce sens Mme Champagne. «Il serait disqualifié de facto.»
Selon le projet de Vachon, jusqu’à 10 sorties sur la route pourraient être réalisées par le parent accompagnateur.
«On se garde un filet de sécurité à la sortie numéro 5 et aux évaluations numéros 10 et 15 afin d’évaluer la progression de l’élève.»
— Lise Champagne, directrice générale de Vachon École de conduite supérieure
Samuel Vachon assure que le parent, c’est le premier acteur dans la formation. «Nous, on donne 15 heures de formation pratique, mais la SAAQ en recommande une cinquantaine au minimum», dit-il. «On est comme le professeur à l’école qui donne des devoirs à faire à la maison. Ce qu’on demande, c’est que le parent devienne un superviseur.»
Refus catégorique
Les responsables de Vachon École de conduite supérieure ont rencontré plusieurs intervenants au gouvernement du Québec entre janvier 2023 et mars 2024. Ils ont d’abord eu un entretien au ministère de l’Éducation avec le député de Beauce-Nord, Luc Provençal.
Ensuite, ils ont rencontré des responsables à la SAAQ pour présenter le projet en septembre 2023. Et en mars 2024, une autre rencontre avec le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, et les députés de Chaudière-Appalaches. S’en est suivie une rencontre avec des responsables du ministère des Transports et de la Mobilité durable.
Mme Champagne et M. Vachon assurent qu’ils avaient reçu un accueil favorable. Cependant, le 17 mai 2024, la direction de l’école de conduite a reçu une lettre de refus, signée par une directrice de la SAAQ qui n’était pourtant pas présente aux rencontres, selon la directrice générale de l’école.
«On ne sait pas où ça accroche à la SAAQ. On a rencontré un pédagogue de la SAAQ. Et lui, ses yeux étaient en étoiles! Chez les gestionnaires, c’était l’inverse», réplique M. Vachon.
«Toutes les raisons qui motivent les refus dans la lettre, on y répond dans la présentation du projet-pilote», renchérit Mme Champagne. «Et lorsqu’on a reparlé dernièrement à la directrice qui nous a envoyé la lettre, elle nous a répondu que ce serait trop compliqué, les lois, etc.»
«On a fait des recherches de notre côté et une loi n’a pas besoin d’être modifiée dans le cas d’un projet-pilote. Et, nous, ce qu’on propose, c’est un projet-pilote», explique le directeur adjoint. «Ce n’est pas de changer la loi. Il faut juste tester ce programme-là.»
Il ajoute qu’il existe une dérogation si on veut tester un projet qui pourrait apporter une amélioration dans la sécurité routière.
Dans sa réponse au Soleil, la SAAQ réitère que «les modifications proposées par Vachon École de conduite supérieure […] priveraient l’élève de temps de formation et d’occasions d’apprentissages nécessaires à l’acquisition des compétences requises pour devenir un conducteur au comportement sécuritaire, coopératif et responsable».
«L’accompagnement d’un parent ne pourrait se substituer à l’enseignement d’un instructeur dûment formé par la Société. En effet, chaque instructeur dans une école de conduite a suivi une formation de 120 heures lui permettant de devenir un expert en contenu et d’être en mesure d’enseigner adéquatement le Programme d’éducation à la sécurité routière», enchaîne Anthony Bérubé, porte-parole à la SAAQ.
Y AURAIT-IL UN COÛT POUR L’ACCOMPAGNATEUR?
Si le parent devenait accompagnateur certifié, est-ce qu’il y aurait un coût associé à cette certification? Selon Lise Champagne, le projet prévoyait que ce serait à coût nul pour le parent qui déciderait d’accompagner son jeune dans son apprentissage de la conduite.
Et ce, même si le processus de certification nécessiterait de franchir des étapes d’évaluation pour le conducteur expérimenté.
«Étant donné que l’on retirerait quelques sorties sur la route et que c’est le parent qui le ferait à la maison à ses frais, les coûts reliés à ces leçons [avec notre formateur et notre véhicule que nous n’aurions plus à assumer] seraient transférés pour la certification», assure-t-elle.
«Et il n’y aurait pas de réduction, car les frais associés aux sorties 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 14 couvriraient le coût de la certification de l’accompagnateur certifié», conclut Mme Champagne. «Et le parent ferait l’accompagnement sur son temps à lui.»
Article original:
https://www.lesoleil.com/affaires/2024/11/30/fin-de-non-recevoir-de-la-saaq-pour-former-des-accompagnateurs-certifies-YXIR2CQHIREUJCTNQ3ACDXWQUM/